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LIVRES

EX NIHILO | Images | Textes

     

Préface

Quelle force pousse certains voyageurs à partir à la recherche des paysages les plus primitifs ? À quel appel répondent-ils? Ont-ils la nostalgie des origines, d'un âge où les forces naturelles dominaient le monde? Sont-ils à la recherche d'eux-mêmes?

L'exemple de Francis Besson nous pousse à nous interroger. Pour lui, il ne s'agit pas de monter en altitude pour éprouver la raréfaction de l'oxygène et l'excès de lumière, ou de se confronter aux déserts les plus inhabités par goût de la poussière et du néant. Il semble davantage désireux de ne pas en rester au niveau de la sensation ou de l'impression de voyage. Quand on est, comme lui, de culture scientifique, on cherche à mettre de l'ordre dans l'expérience, quelle qu'elle soit: sa photographie ne s'impose-t-elle pas alors comme l'un des moyens les plus sûrs d'enregistrer cette expérience et - quand le propos est comme ici esthétique - de lui donner forme ?

Le livre représente l'étape suivante dans l'élaboration des données du projet artistique. Sa réalisation permet de l'approfondir, d'en vérifier la pertinence. À cette étape, les photographies sont confrontées les unes aux autres et mises en valeur dans des séries, selon une logique visuelle. D'un livre à l'autre, on peut privilégier des regards différents, préférer certaines perspectives à d'autres. C'est la méthode de Francis Besson, qui varie les points de vue en fonction des sujets, des lieux. Plusieurs livres lui ont ainsi permis de se révéler, par touches complémentaires, avec des accents plus ou moins marqués, dans une photographie où la part d'introspection ne fait aucun doute: on sait le rôle fondamental du paysage en tant que genre artistique dans le dévoilement des sentiments.

Les noms de Melville ou de Humboldt ont été évoqués pour décrire la démarche de Francis Besson et il est vrai qu'ils s'imposent tous les deux. La référence à la science romantique du début du 19e siècle semble particulièrement bienvenue. Mais les paysages de Francis Besson ne sont pas romantiques au sens qu'on pourrait leur donner aujourd'hui de vues contrastées ou dramatiques. Ils le sont par le spectacle de la nature primitive et irréductible qu'ils donnent à voir. C'est vers la mise en scène d'un monde minéral qu'ils tendent, comme celui que célèbre Agassiz, grand scientifique presque contemporain de Humboldt mais bien moins admirateur que lui du règne végétal. Une même vision géologique de la nature, ramenée à l'essentiel, caractérise le point de vue de Francis Besson, comme s'il s'agissait pour lui de rendre lisible la grammaire élémentaire de l'univers. Le parallèle avec Agassiz est-il vraiment fondé? Il se justifie si l'on songe que les traces de l'activité humaine semblent presque réduites à l'état de fossiles dans de nombreuses photographies.

De quel passé de notre planète nous parlent ces images? Ou de quel avenir de notre société? Car des objets témoins comme ceux que Francis Besson nous invite à contempler ne sont pas là qu'à titre poétique mais peut-être aussi pour nous amener à méditer sur le destin des civilisations.

Jean-Christophe Blaser, historien de l'art
Musée de l'Elysée

 

 

 
 
Préface
Jean-Christophe Blaser
Texte
Sylvain Malfroy

 

© Francis Besson 2007